Psy 12 français

Publié le 10/07/2019 à 17:12 par manueldiez Tags : jeux papier peinture livre centre nature pari histoire mort société place femme fond chez amour roman monde prix moi vie sur art
Psy 12 français

Manuel Diez Matilla : un destin oublié

 

Psychanalyse de l’œuvre de Manuel Diez Matilla

12ème partie

Par Christian Diez Axnick

Reprise au lundi 25 novembre 2019

 

J'aimerai clôturer ces études et conclure sur l'oeuvre de Manuel Diez.

C'est une œuvre qui a existé dans la durée, dans la qualité des coloris et des pigmentations, et a progressé dans le temps, s'est adaptée perpétuellement à la clientèle, dans un mélange de tradition et de modernisme. Traditions religieuses, asiatiques, modernité des techniques et des mélanges utilisés. Modernité aussi des compositions. Synthèse des compositions surtout.

La laque de chine et de venise poussée à un tel niveau de composition l'a amené durant toute sa vie à réaliser des décorations florales, aquatiques, et des sujets d'inspiration asiatique fabuleux.

Il a davantage peint au cours d'une trentaine d'années dans sa vie. Globalement. Le reste est une œuvre plus personnelle, sinon plus intime et introspective. Il a beaucoup utilisé les empâtements, tant dans la cellulosique que dans la peinture à l'huile, et beaucoup aussi les patines, les sur-tons. Son art est un art de perfectionnisme et de recherche.

Mon père a vraiment sorti le sumi-e de sa routine, lui apportant d'immenses et remarquables innovations à la laque cellulosique, surtout en ce qui concerne le pinceau et la quantité de peinture.

Il a véritablement conféré un cachet et un caractère beaucoup plus modernes aux techniques traditionnelles par trop sobres pour son métier et pour la laque cellulosique. Son apport a été exceptionnel de créativité tant sur le plan technique que pictural.

Il a réalisé des prouesses d'innovation avec les sur-tons, les gammes de couleur, les patines, mettant au point des éclairages et des variations de coloris composés hors normes. Certains de ses meubles et de ses tables sont d'authentiques chefs d'oeuvre. Variations de paysages, éclairages, compositions d'ensembles, détails, gravures lui ont permit de révolutionner cet art comme grand décorateur styliste.

Aujourd'hui, c'est surtout l'art moderne, et surtout le Street Art, notamment américain, qui sont venus chambouler nos systèmes de valeur et d'interprétation artistique. L'art contemporain, l'art de la rue, sont en éclosion. Ernest Pignon-Ernest est un peu le précurseur de l'art de rue, le street art d'aujourd'hui. Marcel Duchamp le précède.

En fait, les artistes classiques ont peint dans la rue, dans la nature, le Street Art vise lui la conquête de la rue, sa remise en cause. Il le fait à la fois d'une manière horizontale et verticale, visant à surprendre et étonner. Le Street Art vise en partie à une remise en question, notamment des valeurs établies.

Depuis le plan de paix de Wilson en 14 points en 1919, l'Amérique s'était glissée dans des doctrines générales. La doctrine Monroe par exemple, la doctrine de la destinée manifeste, le darwinisme social, la doctrine de la porte ouverte avec la chine, l'endiguement avec Truman etc …

Le plan Marshal avait connu sa réplique avec la doctrine Jdanov en 1947. Ce fut la guerre froide. Plus tard, le peintre français André Fougeron deviendra le chef de file du nouveau réalisme français avant de s'engager dans la voie du réalisme socialiste. Ce qui correspond à la critique par les peintres communistes de l'American Way of Life et du Soft Power.

1989 marque ensuite la fin de la guerre froide, la chute du mur de Berlin, et la victoire du camp américain, jusqu'à la récente normalisation des relations avec Cuba et la fin de l'embargo.

Le Street Art s'affirme donc à la suite du Soft Power ( capacité de l'Amérique à faire accepter en douce sa domination ) comme une différenciation vis à vis de l'impérialisme américain, une spéciation. C'est une version soft-juridique.

Les Etats-Unis, sortis de leur isolationnisme depuis Pearl Harbour ( 1941 ) ont une politique interventionniste. Le Street Art est une prolepse de cette interventionnisme, une sorte de projection qui remet en cause les préceptes populaires. On intervient dans la rue, en direct.

Les Etats-Unis dominent le monde depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Le Street Art consacre en partie cette domination économique et culturelle.

Cela dit, tout le Street Art n'est pas assujetti au Soft Power, il s'est aussi mondialisé. Les toiles ou les sujets vendus sur le marché de l'art atteignent des prix astronomiques suivant les artistes.

On conquiert vraiment la rue. Le Street Art n'est pas vraiment un art exclusivement subversif, il se fond bien souvent dans la ville, avec l'utilisation du trompe l'oeil notamment.

Il est aussi une prolongation. Le XXème siècle a été le siècle des guerres, des conflits. L'Europe a toujours été en guerre, notamment avec la poudrière des Balkans. Sans compter les guerres de décolonisation après les deux conflits mondiaux.

Tout cela a tout d'abord abouti en un premier temps au théâtre de l'absurde ( Ionesco, Becket ) et ensuite à l'existentialisme ( Sartre, Camus ) toujours pour le XXème siècle.

Le XXIème siècle s'inscrit comme l'éclosion de Street Art. On cherche un nouveau support d'expression, puisque tout a été déjà fait sur la toile ou le papier, pour le pastel, l'aquarelle etc …

Ce nouveau support d'expression, c'est la ville avec ses murs qui le donne, ce sont les mairies qui passent les commandes aux a rtistes internationaux les plus connus, les plus prestigieux.

Le Street Art correspond à une nouvelle recherche, une nouvelle ligne de démarcation au sein des ex-empires traditionnels, se détachant des deux principaux blocs actuels. L'Amérique a gagné la guerre froide, le Street Art replace l'urbanisation au sein d'un projet artistique nouveau, surprenant et global.

Les artistes s'adressent moins à des mécènes qu'à des municipalités.

Manuel Diez est né dans une ville, Toro, qui est un peu à l'Espagne ce que Jérusalem est à Israël, un berceau et une capitale très diverse. Il est vraiment un des derniers dans ce cas. Ensuite il a voyagé. Moins que ma mère ou mon frère, mais il a fait des voyages pour peindre.

Toro est une très importante capitale royale, historique, juridique, artistique, taurine, culinaire et j'en passe. C'est un des berceaux du christianisme en Europe. 8 siècles capitale des lois.

Le Street Art pour en revenir à lui met la rue directement à la portée de l'art. Il place le quotidien et les lieux publics au centre de l'art. On conquiert la rue, on s'adresse à un nouveau public, le public citadin.

Le Street Art s'adresse à une population brassée, pas à une clientèle de particuliers, ou à des magasins, mais aux masses urbaines.

On s'adresse à la masse. C'est une vérité mathématique. On la sort d'un quotidien routinier, en la surprenant, en incorporant de nouvelles idées, en variant les compositions, en utilisant de nouvelles peintures. C'est la physique, c'est la chimie.

Prenons le grand poète naissant du XXIème siècle, « Grand corps malade », que j'ai revu il y a quelques années à Goussainville. Il est passé en même temps que d'autres artistes engagés. Il a bien connu Renaud. C'est un artiste engagé. Il correspond assez bien aussi au mouvement inspiré par le Street Art, prenant en compte par exemple un public oriental, faisant chanter des chauffeurs de taxi, avec des musiciens métissés, un récitatif versifié et humoristique, une participation du public de petites salles. Il a publié un très bon livre sur son accident.

Le Street Art ouvre de nouvelles perspectives économiques, comme ce fut déjà le cas avec le câble pour la télévision, ou avec la fibre optique. Une partie des contrats se fait avec les mairies. Il participe également de tout un brassage culturel, et il fait aussi réagir et participer le public, cherchant à l'étonner et à le faire réagir.

Bansky a peint par exemple sur les murs de la bande de Ghaza. Steven Rodrig, Gabriel Dishaw, Jason Mercier, Sue Webster et Tim Noble incarnent le Junk Art, et le Trash Art.

Autant il y a une démarche de réflexion chez Duchamp, avec le porte-bouteille, ou une volonté avec les désigns de Raymond Loewy, autant avec Rodrig et Dishaw on retrouve les circuits imprimés. Tim Noble travaille lui la lumière, l'éclairage, avec des tas d'ordures et de déchets.

Ces arts critiques ont aussi une démarche écologique, et critiquent une société qui ne sait plus gérer ses déchets. On retrouve ici l'histoire du luminaire et de l'éclairage dont parlait déjà Jésus à Judas.

Si les machines de Léonard de Vinci peuvent être considérées comme des œuvres d'art, il a ete un précurseur pour Duchamp, qui a aussi été un précurseur pour les autres, ceux du Junk Art et du Trash Art. Il existe une démarche de réflexion derrière tout cela.

De la même façon qu'on ne peut comparer le sportif de haut niveau qui sait ce qu'il veut et oû il veut aller de celui qui n'en sait rien, je prend les exemples de Bruce Jenner, Guido Kratschnik, Christian Schenk et de tant d'autres; on ne peut en art comparer le débutant néophyte et l'artiste accompli qui maîtrise des milliers de données et chez qui l'amour du détail est permanent. A chaque fois il ajoute un plus à sa palette, crée d'autres variations, d'autres tonalités, d'autres gammes et d'autres contrastes ou complémentarité de couleurs.

En art l'artiste qui surpasse toutes les difficultés en vient à tout dépasser, à atteindre un niveau d'interprétation et de réalisation hors norme. C'était le cas de mon père, c'était sa personnalité, son âme d'artiste et de conteur d'histoires, sa symbiose avec la société par exemple de Toro ou de Montmartre.

L'artiste s'expose aussi, je pense aux groupes à risques. Parfois aussi, il devient une cible, ou il se marginalise, comme ces chanteurs et ces chanteuses trop âgé(e)s pour la jeunesse actuelle. C'est son œuvre qui lui survit, sa propre enveloppe charnelle est elle anéantie ou pour ainsi dire, au moins abîmée.



Une des différences majeures entre Jésus et Judas, c'est que Jésus avait me semble t'il un semblant de conscience politique, et même une conscience générale, notamment par exemple lorsqu'il parlait du syrien Naiman à Judas. Ce n'était pas trop réciproque du reste, même si Jésus a semblé lui mettre le pied à l'étrier. Judas ne lui a pas renvoyé l'ascenseur de son coté. Les voies du seigneur sont impénétrables, mais on rentre par la porte étroite. Jésus a ouvert des voies pour ses brebis, comme le pasteur qui fait paître ses bêtes.

Judas est un penseur sémitique très ouvert qui ouvrira la voie à d'autres systèmes philosophiques et intellectuels, alors que Jésus est celui qui a dirigé et fédéré les pères de l'église, les apôtres, dont les actes détermineront l'avenir du christianisme. « Ton étoile brillera », lui confia jésus.

En art, c'est la conscience qui crée, qui vit intégrée dans le moteur social et suit les évolutions des individus, des mœurs, de la vie. Si les artistes peuvent contribuer à la paix dans le monde, et plus particulièrement à l'heure actuelle en Syrie, ou le peuple arabe aussi a le droit d'être entendu, alors ce sera réussi. Si leur rôle se trouve atténué, c'est qu'ils n'auront pas réussi le pari de consolider les acquis, de mieux structurer les choses et la pensée qui les anime.

En effet, le rôle assigné aux artistes est également comparatif, prospectif. Je dirais même presque ici « réalisationnel » ou pour ainsi dire. Il ne sert à rien de nier l'engagement social des artistes, et même leur engagement politique. Ils sont comme une torche lumineuse dans les avancées de la paix.

Proche des gens, mon père a laissé derrière lui une œuvre imposante et immense. La tâche était rude depuis le début et elle s'est accomplie au fil des ans et des décennies. Puisse t'il mieux éclairer le grand public. Il reste tant à faire encore.

Mon père en modernisant l'art traditionnel asiatique a servi de passerelle, de courroie de transmission entre le XXème et le XXIème siècle. Il a vraiment apporté un cachet et un caractère innovateur au sumi-e traditionnel. Il a su le sortir de son carcan et lui apporter des gammes, du trait et une fantaisie, une imagination et une subjectivité extraordinaire.

Mais son long et terrible décès en 91, puis celui de mon frère David en 98, qui par ailleurs avait contracté des dettes auprès d'une femme avant sa mort, ont interrompu le sens de sa vie, en lui interdisant 20 ou 30 ans de carrière supplémentaire.

Ils n'ont pas passé le millénium, et moi je l'ai mal vécu pour diverses raisons, avant de rebondir plus tard. Je me suis senti trahi, oublié, délaissé. Comme si l'histoire était passée à coté en poursuivant son chemin sans moi.

Aujourd'hui on le voit depuis plusieurs semaines et même plusieurs mois avec la crise des gilets jaune, la société est cloisonnée, la lutte des classe ressurgit sur des bases anarchiques. Une partie de la société, je pense ici aux black-blocks, ne collabore pas du tout avec la loi et ses principes.

Certaines classes sont même hors jeu, comme précisément ces black-blocks. La république est menacée. L'heure est au bilan très lourd aussi des contre-réformes, on le sait depuis les jeux de Barcelone.

Ingo quant à lui vient d'être réadmis en soins intensifs, il fait une sorte de phlébite, un problème au pied gauche. Son état de santé est plutôt mauvais, il est toujours un grand schizoïde.

Rien de trop rassurant donc.

 

Christian Diez Axnick.